La culture de plante carnivore constitue en soi un exercice particulier. Chaque plante à ces spécificités. Donnez à vos plantes carnivores, ces quelques soins de bases et je vous garantit une excellente vitalité, sur la durée. Que vous soyez déjà érudit en matière de gestion des plantes ou que vous soyez tout simplement curieux de nature ou néophyte, vous ne pourrez pas passer à côté de ces conseils incontournables dont je vous fais part. Il en va, après tout, de la santé de vos plantes qui, je l’espère, vous seront précieuses.
1 – Ne provoquez pas vos plantes carnivores
Gardez à l’esprit qu’une plante, qu’elle soit ou non carnivore, n’est pas un jouet, mais un être vivant doté de sensibilités. S’il est effectivement tentant de provoquer les mâchoires des plantes carnivores qui en sont pourvues, cela n’est pas sans incidence.
La plante carnivore Dionée Attrape-mouche de Vénus par exemple ne referme son piège que trois à quatre fois en une vie entière. Par conséquent, trop la solliciter pourrait empêcher ses mâchoires de fonctionner naturellement pour capturer les insectes.
Cette plante carnivore a besoin de son repas en échange de l’énergie colossale qu’elle donne pour se refermer. Si vous l’utilisez comme un jouet, vous dépensez son énergie pour vous amuser, et non pour attraper son prochain repas. Cela lui causera du tort et vous verrez votre Dionaea muscipula dépérir à petit feu. Laissez donc faire la nature, car ces plantes sont suffisamment intelligentes pour se débrouiller et se nourrir seules.
2 – Préservez vos plantes carnivores des nuisibles
Bien que les plantes carnivores se servent des insectes pour survivre dans leur milieu naturel hostile, que l’on appelle les tourbières, certains insectes peuvent s’attaquer à elles.
Par exemple, les cochenilles (farineuses, à coque, etc) ne sont pas les bienvenues dans une collection de plantes carnivores. Ce sont de petits insectes piqueurs-suceurs (comme les pucerons) qui parasitent fréquemment les feuilles, les jeunes pousses tendres, riches en sève, les tiges, le système racines et les rhizomes des Sarracenia.
Elles apprécient les ambiances confinées, chaudes et humides.
Si vous cultivez vos plantes carnivores sous serre, il faudra alors être très vigilant en aérant le plus régulièrement possible ce lieu de culture, pour renouveler l’air et ainsi limiter la propagation de ces parasites.
L’avantage des plantes carnivores est que la plupart sont rustiques et résistent :
- jusqu’à du -20°C pour les Sarracenia,
- -12°C pour les Dionaea muscipula et
- -10°C pour les Drosera tempérés.
Il est donc recommandé de les placer en extérieur, dans un contenant volumineux avec un substrat adapté pour réduire fortement le développement des cochenilles, qui ne résistent pas à ces gelées.
Malgré ces 2 précautions, si vous observez toujours des cochenilles farineuses, un petit traitement naturel peut être appliqué.
Il suffira de mélanger une cuillère à café de savon noir, d’huile végétale (colza par exemple), ainsi que d’alcool à 90° en diluant le tout dans 1L d’eau.
Pulvérisez ce traitement naturel sur le feuillage, les bourgeons et le rhizome de votre plante carnivore, pour éradiquer les quelques cochenilles encore en vie.
Les pucerons peuvent également s’attaquer à vos plantes, notamment au printemps lorsque les jeunes feuilles, urnes et hampes florales sortent de leur repos hivernal.
Il faudra veiller à observer régulièrement sa collection à cette période de l’année et utiliser un essuie-tout imbibé d’alcool ménager (90°C) pour écraser tous les pucerons qui s’attaquent aux tissus encore tendres de vos boutons floraux, jeunes urnes et feuilles.
De même, les tétranyques tisserands sont des acariens réputés pour rendre malades de très nombreuses plantes carnivores. Puisqu’elles apprécient les surfaces chaudes et sèches, il est préférable d’aérer la serre où sont entreposées vos plantes (ou de les placer directement en extérieur). Les conditions climatiques extérieures (vent, pluie et température) de votre région réduisent naturellement la propagation de cette araignée rouge.
Il est important de favoriser la biodiversité dans votre jardin, à proximité de vos plantes carnivores, pour accueillir les auxiliaires. Pour cela, vous pouvez créer des zones refuges (hôtel à insectes, petit tas de bois, haies, plantation d’arbustes, etc). Une autre très bonne solution serait de laisser à certains endroits, la végétation se développer (hautes herbes, implantation de plantes mellifères) pour favoriser la venue des prédateurs qui s’occuperont naturellement de réguler les populations des maladies et parasites.
3 – Une luminosité adaptée à la culture de votre plante carnivore
Dans la nature, différents genres de plantes carnivores poussent en milieu tourbeux : Drosera, Dionaea, Sarracenia, Cephalotus…
Les tourbières sont des milieux vastes et dégagés.
La luminosité y est donc très importante et les rayons du soleil sont en contact direct avec les plantes carnivores pour leur plus grand bien-être. La lumière est essentielle à la réalisation de la photosynthèse par les feuilles.
Celle-ci est très utile à la plante puisque cela lui permet de produire des sucres et donc de l’énergie. Contrairement aux autres végétaux qui utilisent leurs racines pour puiser l’azote dans le sol, les plantes carnivores elles, sont devenues carnivores pour capter l’azote d’une autre manière. Ce sont les insectes capturés qui procurent entre autres, l’azote, permettant la fabrication des protéines.
La plupart des plantes carnivores apprécieront donc le maximum de luminosité que l’on puisse lui offrir. Cependant certaines espèces poussent et vivent en sous-bois où la végétation est dense. C’est le cas pour le genre Nepenthes qui préférera une lumière naturelle tamisée sans rayon du soleil direct sur le feuillage.
La grande majorité des plantes carnivores que je vous recommande de cultiver (Dionaea, Drosera, Sarracenia, Cephalotus) sont des plantes de milieux ouverts. Elles auront donc besoin d’un maximum de lumière et de plein soleil. On précisera donc pour le genre Nepenthes et Pinguicula quant à elles, qu’elles ont besoin d‘une luminosité tamisée au risque de voir des brûlures apparaître sur le feuillage.
4 – Gardez-vous d’utiliser du fertilisant avec vos plantes carnivores
Cette remarque vaut notamment pour les habitués de cultures de plantes qui voudraient trop bien faire. Parce que la nature est bien faite, les plantes carnivores pourvoient elles-mêmes à leurs propres besoins en piégeant des insectes pour en faire un repas. De ce fait, l’utilisation de fertilisant est à proscrire.
Qui plus est, en plus de ne pas être utile à leur croissance, le fertilisant pourrait même s’avérer nocif puisque les plantes carnivores ont pour habitude de pousser sur des sols généralement pauvres en nutriments. Pour cette raison, il ne fait pas bon bousculer leurs habitudes et leur croissance naturelle.
L’utilisation d’engrais ou d’un terreau enrichi provoquerait un allongement foliaire, avec des tissus végétaux moins résistants, et par conséquent, une plante carnivore fragile, incapable de se défendre contre les alléas climatiques et les potentiels parasites.
Dans la nature, les plantes carnivores ont réussi à se débrouiller sans nous pendant plusieurs millions d’années. Elles ont su s’adapter à leur milieu pauvre en nutriments et dépourvu de minéraux, en développant des systèmes d’attraits (nectar sucré, sécrété lors de l’arrivée des beaux jours) pour les insectes trop téméraires. Il existe d’autres plantes sur Terre nommées “protocarnivores”. Elles ont aussi la capacité d’attirer et de capturer certains insectes. Cependant, ce qui distingue les plantes carnivores des autres c’est bien la capacité extraordinaire de digestion !
Les plantes appelées “protocarnivores”, ne sont pas en mesure de digérer les insectes pourtant capturés (souvent à l’aide de poils collants présents sur la tige principale de la plante).
Le mieux à faire, ce qui vous permettra en plus de gagner du temps, est simplement de laisser la nature faire.
Avant de se retrouver dans votre logement, les mouches et autres insectes étaient en extérieur. C’est pourquoi, lorsque je vous conseille de placer vos plantes carnivores en extérieur, ce n’est pas simplement pour leur besoin important de lumière, c’est aussi pour qu’elles puissent subvenir à leurs besoins en nourriture, sans aucune contrainte pour vous. Si par contre vous avez décidé de cultiver le genre Nepenthes, au vu du nectar, délicatement parfumé sécrété par les Nepenthes, j’ai nul doute que les insectes de votre maison ou appartement n’y seront pas insensibles.
5 – Soignez la terre, le substrat de vos plantes carnivores.
La plupart des plantes carnivores rustiques vivent dans les tourbières. Ce sont des milieux composées de différentes couches :
- La sphaigne vivante en surface (mousse/bryophytes)
- La tourbe blonde
- La tourbe brune
- La tourbe noire
La sphaigne et la tourbe sont les deux composants principaux utilisés par les plantes carnivores dans leur milieu naturel.
Les tourbières se forment grâce à l’accumulation de la tourbe au fur et à mesure du temps. Ce sont des sols très peu décomposés d’origine végétale où la matière organique s’y accumule. La tourbe est obtenue grâce à la dégradation de la sphaigne en surface.
Pour satisfaire vos plantes carnivores, le composant de base majoritairement utilisé dans la culture des plantes carnivores est la tourbe blonde. Son pH se situe entre 3,5 et 4,5, parfait pour les plantes carnivores ayant besoin d’acidité, rappelons-le.
En culture, la sphaigne vivante est régulièrement utilisée, comme dans la nature, pour surfacer, garder l’humidité, décorer et végétaliser de manière naturelle un pot ou une tourbière artificielle. Les Nepenthes apprécient le surfaçage de sphaigne vivante et également la présence de sphaigne morte, à environ 25% dans leur substrat.
D’autres composants sont aussi utilisés comme : la perlite, le sable de Loire, la vermiculite, la fibre de coco, l’éclat de coco…
Restons simple et efficace. Pour l’entretien des plantes carnivores, je conseille d’ajouter à la tourbe blonde un élément drainant ; privilégier la perlite. Le tableau qui va suivre devrait vous aider.
Les Plantes Carnivores | Le substrat conseillé |
Dionaea, Sarracenia, Drosera (hémisphère nord) | 70% de tourbe blonde & 30% de perlite |
Cephalotus, Pinguicula (hémisphère nord) | 50% de tourbe blonde & 50% de perlite A noter : le 70 % TB & 30% perlite convient également |
Nepenthes | 25% écorce de pin, 25% tourbe blonde, 25% éclat de coco, 25% sphaigne morte |
Il est possible et recommandé d’ajouter aux différentes plantes carnivores que tu cultives de la sphaigne vivante en surfaçage. En été l’eau de ton substrat s’évaporera moins facilement |
N’essayez pas d’utiliser un autre composant que ce que j’ai pu citer dans ces lignes. Les autres éléments que vous trouverez seront généralement : minéralisés, enrichis et donc, inadaptés à la culture des plantes carnivores.
Après avoir acheté une plante carnivore, certaines personnes aimeraient la rempoter car la plante a pris tout l’espace qu’elle avait dans le pot. Il serait dommage de gâcher tant d’efforts, d’attention et de soins en rempotant votre plante carnivore dans un substrat inadapté qui la fera mourir au bout de seulement quelques jours.
Si l’eau de pluie que vous avez décidé de récolter n’est pas pure ou translucide et qu’il y a présence d’algues, la filtrer ou ne pas l’utiliser sera le meilleur moyen de ne pas voir de futures algues se développer à la surface de votre substrat.
6 – Le choix d’un pot adapté à la culture de vos plantes carnivores
Vous êtes maintenant au courant que les plantes carnivores vivent à l’état naturel dans des milieux généralement vastes et ouverts. Cela signifie qu’elles ont beaucoup d’espace pour croître et grandir.
C’est pourquoi le choix du pot est un point à ne pas mettre de côté. Évidemment le choix du pot dépendra également de la place que vous aurez à leur consacrer. Toutefois, les plantes carnivores que vous trouverez en jardinerie seront toujours dans des pots trop petits pour que la plante puisse avoir un système racinaire de qualité, pour que la plante résiste, notamment à l’hiver. Il faudra donc la rempoter rapidement après achat.
Privilégiez donc des contenants, des pots volumineux. 1,5L minimum si vous cultivez votre plante en extérieur. N’ayez pas peur du ridicule. J’utilise personnellement des contenants de 3 à 200L pour créer de petites tourbières artificielles. Plus votre pot sera volumineux, plus vos plantes auront d’espaces pour se développer.
Le pot que vous choisirez devra être exclusivement en plastique et percé au fond. Cela vous permettra de faire baigner votre pot dans une soucoupe ou un bac étanche rempli d’eau de pluie ou d’eau déminéralisée . Il se peut qu’il ne soit pas percé, pas de souci, si le pot vous plaît, il vous suffira d’utiliser une perceuse ainsi qu’un forêt pour faire quelques trous au fond du pot.
Il est tout à fait possible de trouver de jolis pots éthiques et respectueux de l’environnement, même en plastique. Aujourd’hui, le choix est très varié car il existe différentes couleurs et différentes formes qui devrait pouvoir vous satisfaire.
Vous vous demandez peut-être, s’il est possible d’utiliser un pot en terre cuite. Et je suis sûr que vous connaissez déjà la réponse.
La règle : pas de minéraux dans le substrat car cela pourrait causer la mort de votre plante carnivore, donc, pas de minéraux non plus dans le pot. La terre cuite est composée en partie, d’argile. En arrosant régulièrement vos plantes carnivores, les minéraux présents dans l’argile se verront être transférés dans le substrat. Ce qui causera la mort à petit feu, de vos plantes.
7 – Collectez l’eau de pluie pour vos plantes carnivores
Dans la nature, la majorité des plantes carnivores poussent dans des sols très humides. L’eau est un facteur clé à ne pas négliger. Elles se développent donc dans des quantités importantes d’eau de pluie. Elles apprécient donc seulement l’eau sans minéraux.
Il faudra alors les arroser avec une eau adaptée.
Les Nepenthes vivent dans des pays tropicaux, où l’eau est davantage dans l’air sous forme d’humidité ambiante. Elles ont donc des besoins en eau modérés et légèrement différents des plantes carnivores de tourbières.
Eau de pluie | Eau déminéralisée | Eau osmosée | |
Avantages | – gratuite – en abondance – récupération possible pour 1 à 5 plantes | – achat facile dans le commerce – adaptée pour une petite collection | – utile en cas de pénurie d’eau de pluie l’été pour les collections de plusieurs plantes |
Inconvénients | – besoin d’un récupérateur d’eau de pluie + raccord gouttière) si collection de plusieurs plantes | – payant (1,5€ le bidon de 5L) – achat régulier en été (besoin d’eau + important) | – matériels onéreux et encombrants – forte consommation électrique (peu écolo) |
En image | |||
A privilégier | +++ | ++ | + |
Renoncez immédiatement à arroser vos plantes carnivores avec de l’eau du robinet, vous ne feriez alors que leur faire le plus grand mal. L’eau déminéralisée leur est profitable, bien que le mieux étant de les hydrater comme elles le feraient dans leur habitat naturel : avec de l’eau de pluie.
Pour cela, il est recommandé de laisser un récipient en extérieur de sorte à récolter l’eau de pluie qui, alors, vous sera bien utile pour arroser vos plantes. Si votre collection s’agrandit au fur et à mesure, acheter un collecteur d’eau que vous installerez à votre gouttière, ainsi qu’une cuve de récupération d’eau vous permettra de passer l’été en toute sérénité.
Pour ne pas oublier de les arroser, et cela en étant en adéquation avec leurs besoins naturels, je vous conseille de les placer dans un bac étanche dans lequel vous verserez plusieurs centimètres d’eau de pluie ou déminéralisée.
Attention, en hiver (de début novembre à fin mars), votre plante carnivore pourrait pourrir à cause d’un excès d’eau. Il faudra donc conserver le substrat, la terre simplement fraîche/humide sur cette période sans eau stagnante aux pieds. Adaptez légèrement votre arrosage en fonction des variations de températures dans votre région.
En été (de début avril à fin octobre), il ne faudra pas oublier de les laisser baigner dans une coupelle remplie de quelques centimètres d’eau de pluie ou déminéralisée.
Différentes solutions s’offrent à vous pour arroser vos plantes carnivores :
- les soucoupes en plastique
- un bac de rangement qui devra être étanche
- une assiette à rebord récupéré conviendra pour 1 à 3 plantes
- Un bac étanche construit à la main (Voici un petit tutoriel sur YouTube, Comment construire un bac étanche facilement ?)
Enzo Defer